Mardi 6 février, journée pour un Internet plus sûr, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité en lecture définitive la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Ce texte, qui amende les dispositions du code civil relatives à l’autorité parentale, modernise l’exercice du droit à l’image, constitutif du droit à la vie privée, et y donne toute leur place aux enfants en tant que sujets autonomes de droit.
À l’intersection entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à l’image des enfants sur internet a émergé ces dernières années comme le terrain d’un potentiel conflit, aggravé par le fonctionnement des réseaux sociaux, qui rémunèrent la viralité et promeuvent les comportements narcissiques. Quelques chiffres marquants permettent de saisir l’enjeu que représente aujourd’hui la diffusion de l’image des enfants :
- 39% des enfants ont aujourd’hui une empreinte numérique avant leur naissance ;
- Un enfant apparaît en moyenne sur 1.300 photos en ligne avant ses 13 ans ;
- Quatre adolescents sur dix trouveraient que leurs parents les exposent trop sur internet ;
- 50% des photos échangées sur les forums pédopornographiques sont issues de contenus partagés par les parents ou les enfants sur les réseaux sociaux.
Outre les risques accrus de détournement liés à la diffusion de photographies de famille sur les réseaux sociaux, dite « sharenting » (usurpation d’identité en ligne, chantage, cyberharcèlement, kidnapping numérique, pédopornographie, etc.), l’incidence future de ces publications doit faire réfléchir, au regard notamment des capacités évolutives de l’intelligence artificielle.
« À l’heure de l’émergence d’une société de l’image à la faveur de la révolution numérique, il apparaissait nécessaire de rappeler un principe simple : les parents sont les gardiens et les protecteurs du droit à l’image de leurs enfants, qu’ils exercent conjointement dans le cadre de l’autorité parentale, explique Bruno STUDER. Il me semblait indispensable qu’ils soient mieux informés et responsabilisés quant à cette dimension nouvelle de l’exercice de l’autorité parentale. »
Au-delà des nécessaires actions de sensibilisation, le législateur se devait d’intervenir pour tracer des lignes rouges et élaborer un dispositif juridique facilement mobilisable par les juges dans les cas où les parents portent atteinte au droit à l’image de leur enfant. Le juge aux affaires familiales pourra désormais retirer aux parents l’exercice de ce droit à l’image pour le confier à un tiers, lorsque cela s’avère nécessaire.
Cette loi s’adresse également aux enfants, qui trop souvent n’ont pas conscience de leurs droits et pensent parfois que leurs parents disposent d’un droit absolu sur leur image.
« Il est toujours plus aisé de ne pas publier un contenu que de le faire retirer plus tard. À la tentation de la viralité, il faut privilégier l’impératif de l’intimité, » conclut Bruno STUDER. Comme l’ont si justement rappelé la Défenseure des droits, Mme Claire HÉDON, et le Défenseur des enfants, M. Éric DELEMAR, « Sans intimité, sans espace personnel préservé du regard d’autrui, il n’y a pas de vie privée ».[1]
[1] Défenseure des droits, « La vie privée : un droit pour l’enfant », rapport annuel du Défenseur des enfants, 2022.