Contre les violences conjugales, nous renforçons l’ordonnance de protection

Le travail législatif | 8 mars 2024

Les violences conjugales et les féminicides, autrefois invisibilisés sous l’étiquette dépassée de « crimes passionnels », sont désormais au cœur des préoccupations sociétales. Cette prise de conscience passe en premier lieu par la reconnaissance de l’ampleur du problème : en 2022, pas moins de 244 301 victimes de violences conjugales ont ainsi été recensées en France. Depuis plusieurs années, l’attention politique et médiatique portée à ce sujet a permis de libérer la parole sur des violences trop longtemps gardées au sein du couple ou de la cellule familiale. L’importance de l’écoute des victimes et d’une prise en charge adéquate est une des conclusions des réunions que le député a pu organiser dans la circonscription en 2019 et 2020. Si le nombre de féminicides a fortement diminué en 2023 par rapport à 2022, une victime de féminicide, c’est toujours et encore une victime de trop. C’est dans ce contexte que s’inscrit la volonté politique, à travers notamment le Grenelle des violences conjugales, de mieux protéger les femmes et leurs enfants, souvent pris au piège de ces situations dramatiques.

Depuis 2010, notre dispositif de protection des victimes de violences conjugales se fonde sur un mécanisme judicaire spécifique : l’ordonnance de protection. Cette mesure de protection judiciaire est prise par le juge aux Affaires familiales lorsqu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés. La loi énumère les mesures d’interdiction ou d’injonction que peut contenir l’ordonnance (telles que l’interdiction de rentrer en contact avec la partie demandeuse ou de détenir une arme) et des mesures relatives à l’autorité parentale ou à la jouissance du domicile conjugal. Plusieurs lois sont depuis venues renforcer et compléter ce dispositif :

  • La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a précisé que l’ordonnance n’était pas conditionnée à une plainte préalable et a introduit le dispositif de bracelet anti-rapprochement ;
  • La loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a précisé que la jouissance du logement conjugal ou commun est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ;
  • La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a renforcé la mesure d’interdiction de port d’arme.

Ce dispositif souffre néanmoins de certaines lacunes qui affectent son effectivité :

  • Sa durée est limitée à 6 mois, ce qui ne laisse pas toujours suffisamment de temps aux femmes victimes et à leurs enfants de réorganiser leur vie loin du conjoint violent ;
  • Elle est délivrée dans un délai de 6 jours pendant lesquels la femmes victimes peut se retrouver en situation de particulière vulnérabilité face aux violences de son conjoint ;
  • Sa prolongation est réservée aux cas où une décision relative à la séparation de corps ou au divorce du couple ou à l’autorité parentale est intervenue depuis sa délivrance. Elle n’est donc pas possible pour les couples non-mariés ou qui n’ont pas d’enfant.

La proposition de loi déposée par le groupe Renaissance et portée par la députée Émilie Chandler vise à mieux protéger les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants. Le texte prévoit en premier lieu l’allongement de la durée maximale du dispositif d’ordonnance de protection, qui serait ainsi porté de six à douze mois. En outre, pour répondre aux situations les plus graves et urgentes, la proposition de loi crée une ordonnance provisoire de protection immédiate, dans les situations où il existe un risque sérieux pour le demandeur. Cette mesure permettrait d’assurer provisoirement la protection d’une victime pendant le délai maximal de six jours entre l’audience et la décision au fond du juge des Affaires familiales.

La proposition de loi crée également une nouvelle infraction au code pénal en cas de non-respect des mesures de cette ordonnance de protection immédiate. Le non-respect des mesures de l’ordonnance provisoire de protection immédiate serait plus sévèrement puni que celui des mesures de l’ordonnance de protection classique puisque la peine encourue prévue par le texte est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Adoptée à l’unanimité le mardi 5 mars, la proposition de loi doit désormais être examinée par le Sénat en première lecture.

Grenelle des violences conjugales: 3 ans après, quel bilan, quelles perspectives ?

Avec le Gouvernement | 9 septembre 2022

Le 3 septembre 2022 marquait les 3 ans du Grenelle des violences conjugales, l’occasion de mesurer le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir.

Alors que l’égalité entre les Femmes et les Hommes a été érigée à nouveau au rang de Grande cause du quinquennat par le président de la République, Emmanuel Macron, la lutte contre les violences faites aux femmes en constitue plus que jamais le pilier fondamental. Le Grenelle des violences conjugales avait permis d’identifier 54 mesures à déployer, parmi lesquelles 46 sont actuellement en vigueur et 8 sont en cours de mise en œuvre.

Pour autant, l’heure n’est pas au satisfecit : comme l’a très bien résumé la Première ministre, Élisabeth BORNE, « tant qu’il y aura des féminicides et des coups, le combat ne s’arrêtera pas ». Ces le sens des nouvelles mesures annoncées à l’occasion des 3 ans du Grenelle par la Première ministre et la ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle ROME. Ainsi :

Sur le volet de l’hébergement :

  • D’ici la fin de l’année, 10 000 places d’hébergement seront opérationnelles sur le territoire, soit près de 1 000 places de plus que l’objectif initialement attendu ;
  • 1 000 places supplémentaires seront ouvertes en 2023, pour mieux doter certains territoires, notamment en zone rurales, villes moyennes en métropole comme outre-mer. Ce sont 10 millions d’euros supplémentaires qui seront engagés et qui permettront d’atteindre 11 000 places d’hébergement.

Sur le volet de la justice, une mission parlementaire sera lancée pour faire le bilan et améliorer le traitement de ces violences pour une action judiciaire lisible, réactive, performante et qui concilie spécialisation des enquêteurs et des magistrats avec la proximité nécessaire pour les victimes.  

Sur le volet de la sécurité :

  • La présence policière dans la rue sera doublée, tout comme le nombre d’enquêteurs spécialisés ;
  • D’ici 2025, le nombre d’intervenants sociaux en gendarmerie et dans les commissariats passera de 400 à 600 ;
  • L’outrage sexiste sera délictualisé dans les cas les plus graves et l’amende verra son montant triplé.

Un comité interministériel sur l’égalité entre les femmes et les hommes doit également être organisé prochainement pour édifier la feuille de route des cinq ans à venir contre les violences faites aux femmes.

Au cours de la législature précédente, j’ai souhaité organiser plusieurs débats sur le sujet des violences conjugales, qui ont réuni, à Souffelweyersheim, Bischheim et en ligne durant la crise sanitaire, des représentants associatifs, de la police et de la justice. L’organisation de ces débats, en collaboration avec les maires de la 3e circonscription du Bas-Rhin, me semblait importante pour permettre à tout un chacun de s’emparer localement d’un sujet que l’on résume malheureusement trop souvent à des faits divers nationaux.

En réunissant des acteurs qui n’ont pas forcément l’occasion d’échanger au quotidien, en donnant la parole à des femmes victimes de violences conjugales, ce format a permis de mettre en lumière des témoignages parfois édifiants et d’identifier des dysfonctionnements dans le système de prise en charge actuel.

Au cours de cette nouvelle législature, j’entends continuer à m’investir sur ce sujet, tant localement que nationalement, ainsi que sur celui des enfants, victimes collatérales des violences conjugales.

Accéder au dossier de presse sur les 3 ans du Grenelle des violences conjugales.