Empreinte environnementale du numérique: une loi pour un numérique plus vertueux

Le travail législatif | 25 juin 2021

Parce que le numérique a de plus en plus d’impact sur l’environnement, nous agissons pour rendre son utilisation plus vertueuse.

Loin d’être immatériel, le numérique qui structure aujourd’hui notre société et notre mode de vie possède une matérialité bien réelle : des milliards d’ordinateurs et de smartphones, des millions de kilomètres de câbles en cuivre et en fibre optique, des milliers de serveurs et de centres informatiques… autant d’appareils et d’infrastructures dont l’impact environnemental est en constante augmentation. De 2% en 2019, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre en France pourrait représenter 6,7% en 2040, à politiques publiques constantes. La prise de conscience du phénomène par les scientifiques a conduit le Gouvernement intégrer le numérique comme un facteur incontournable de la transition écologique.

Prendre conscience des impacts du numérique pour mieux agir

Dès 2019, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a acté un ensemble de dispositions visant à allonger la durée de vie des produits équipements numériques, notamment la mise en place d’un indice de réparabilité, l’allongement de la garantie légale de conformité pour les produits réparés, et l’extension à 5 ans de la durée de disponibilité des pièces détachées pour les petits équipements.

En février 2020, le Conseil national du numérique (CNNum) et le Haut conseil pour le climat (HCC) ont publié une feuille de route sur le numérique et l’environnement – 50 mesures pour un agenda national et européen sur un numérique responsable. Sur ce fondement, la ministre la Transition écologique et solidaire, Barbara Pompili, et le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique, Cédric O, ont présenté la feuille de route « Numérique et environnement » en février 2021. Cette stratégie nationale vise à améliorer la connaissance des différents impacts du numérique sur l’environnement, à les maîtriser et à mettre le potentiel d’innovation du numérique au service de la transition écologique.

Parallèlement, au Sénat, une mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique a été constituée fin 2019. Présidée par le sénateur Patrick Chaize, cette mission émet 25 propositions pour une transition numérique écologique. La proposition de loi déposée par M. Chaize en octobre 2020 reprend plusieurs des propositions du rapport d’information D’abord examiné en première lecture au Sénat où il a été largement amendé, le texte a ensuite été transmis à l’Assemblée nationale.

Le contenu de la proposition de loi en détail

La proposition de loi se structure en 5️⃣ chapitres :

1️⃣ Faire prendre conscience aux utilisateurs de l’impact environnemental du numérique

Les mesures phares :

  • Sensibilisation des élèves à la sobriété numérique ;
  • Sensibilisation des étudiants à l’impact environnemental des outils numériques (ajout Assemblée) ;
  • Création d’un observatoire de l’impact environnemental du numérique ;
  • Prise en compte de l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises.

2️⃣ Limiter le renouvellement des terminaux

Les mesures phares :

  • Inversion de la charge de la preuve de l’obsolescence programmée ;
  • Intégration de l’obsolescence logicielle à la définition de l’obsolescence programmée ;
  • Dissociation des mises à jour correctives et des mises à jour évolutives ;
  • Extension à cinq ans de la durée minimale pendant laquelle le consommateur doit pouvoir recevoir des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ses biens ;
  • Orientation des équipements usagés des services de l’État et des collectivités territoriales vers le réemploi, la réutilisation ou, à défaut, vers d’autres filières (ajout Assemblée) ;
  • Extension aux reconditionneurs du bénéfice d’un accès non discriminatoire aux pièces détachées, modes d’emploi, informations techniques ou à tout autre instrument, équipement ou logiciel permettant la réparation des produits (ajout Assemblée) ;
  • Information gratuite des consommateurs, par les fabricants et les distributeurs, des opérations permettant d’allonger la durée de vie des équipements (ajout Assemblée) ;
  • Fin de l’obligation de fournir des écouteurs lors de l’achat d’un téléphone mobile (ajout Assemblée).

3️⃣ Faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux

Les mesures phares :

  • Définition des « systèmes automatisés d’appels et d’envois de messages » et possibilité pour l’ARCEP d’interdire l’utilisation de certains numéros par ces systèmes automatisés (ajout Assemblée) ;
  • Obligation d’écoconception des services numériques ;
  • Améliorer l’information de l’utilisateur sur l’impact environnemental des usages vidéo.

4️⃣ Promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores

Les mesures phares :

  • Souscription d’engagements environnementaux contraignants des opérateurs de centres de données auprès de l’ARCEP ;
  • Abaissement du seuil d’éligibilité du tarif réduit de tarif réduit de taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE) octroyé aux centres de données ;
  • Possibilité pour le maire d’enjoindre l’opérateur à justifier son choix de ne pas implanter la nouvelle infrastructure sur un site ou un pylône existant (ajout Assemblée) ;
  • Inscription de la préservation de l’environnement comme critère d’attribution des fréquences radioélectriques par l’ARCEP ;
  • Procédure d’information du maire en vue de la création d’antennes relais.

5️⃣ Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires

Les mesures phares :

  • Intégration de la problématique de la récupération de chaleur des centres de données dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ;
  • Création d’une stratégie numérique durable dans les collectivités territoriales.

L’examen du texte à l’Assemblée

À l’Assemblée, plusieurs articles (indiqués ajout Assemblée) ont été introduits en commission pour renforcer la portée du texte. D’autres dispositions ont au contraire été supprimées, en raison notamment de leur non-conformité au droit communautaire. L’article instaurant un crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises a été supprimé en raison de la préexistence de dispositifs d’aide à la numérisation et afin d’éviter les effets d’aubaine que pourrait entraîner un crédit d’impôt destiné à couvrir les dépenses de prestataires informatiques.

En commission et en séance, le texte a fait l’objet d’un important travail de réécriture, à l’initiative du rapporteur du texte, Vincent Thiébaut, à des fins de précision rédactionnelle, par souci de cohérence législative et pour mettre les dispositions proposées en conformité avec le droit communautaire, tout particulièrement avec les directives européennes (UE) 2019/770 et 2019/771 du 20 mai 2019 dites « DSA » (Digital Services Act) et « DMA » (Digital Market Act).

C’est également par exigence de conformité avec le droit communautaire que l’exemption des équipements reconditionnés de paiement de la rémunération pour copie privée a été supprimée. Dans un but d’intérêt général, les supports reconditionnés issus de l’économie sociale et solidaire ont néanmoins été exemptés de cette redevance.

Par voie d’amendement, les députés ont également introduit dans la loi la possibilité pour les organismes de réutilisation ou de réemploi labellisés ESUS de bénéficier du matériel informatique dont les services de l’État ou les collectivités n’ont plus l’emploi.

Selon le principe de la navette parlementaire, le texte a été transmis au Sénat en vue de son examen en deuxième lecture.

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