Réforme de l’adoption : Donner une famille à un enfant, et non l’inverse

Le travail législatif | 4 mars 2022

« Donner une famille à un enfant, et non l’inverse », voilà l’ambition de la proposition de loi visant à réformer l’adoption, déposée par le groupe La République en Marche et adoptée par l’Assemblée nationale en lecture définitive début février.

En France, les pratiques d’adoption s’opèrent, pour l’essentiel, sous le régime juridique de la loi fondatrice du 11 juillet 1966. Depuis 1989, le principe du respect de « l’intérêt supérieur de l’enfant » institué par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) est au cœur des politiques de protection de l’enfance : l’adoption y figure comme une des protections de remplacement mise en place par les États pour tout enfant privé de son milieu familial ou ne pouvant rester dans ce milieu.

Une première réforme, engagée par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance, a modifié les procédures applicables afin que davantage d’enfants en situation d’abandon puissent bénéficier du statut de pupille de l’État et, le cas échéant, d’un projet d’adoption. il apparaît néanmoins que le régime juridique relatif à l’adoption connaît encore des lacunes en ne respectant pas l’intérêt supérieur de l’enfant, en raison notamment d’une inadéquation aux réalités des familles candidates à l’adoption et d’un manque d’harmonisation territoriale.

Se fondant sur les conclusions du rapport intitulé : « Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant » de ma collègue Monique LIMON, députée de l’Isère, remis au Premier ministre en octobre 2019, cette proposition de loi entend renforcer et sécuriser le recours à l’adoption comme un outil de protection de l’enfance lorsque celui‑ci correspond à l’intérêt de l’enfant concerné, et uniquement dans son intérêt.

« Cette proposition de loi vise à moderniser l’adoption et à l’adapter à la société actuelle dans laquelle il y a différentes manières de faire famille. L’ouverture de l’adoption aux couples pacsés et concubins permettra à davantage d’enfants de trouver une famille au sein de laquelle grandir et s’épanouir, indépendamment du statut matrimonial de ses parents adoptifs. »

Monique LIMON, rapporteure du texte

Faciliter et sécuriser l’adoption

Avec ce texte, nous facilitons l’adoption, afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre, lorsqu’il a été reconnu que l’adoption est bien la solution la plus adéquate avec leur parcours de vie. Parallèlement, nous sécurisons l’adoption, en veillant aux intérêts de l’enfant :

  • En prohibant toute adoption intrafamiliale conduisant à une confusion des lignes généalogiques ;
  • En étendant les cas d’adoption plénière des enfants de plus de 15 ans ;
  • En recueillant le consentement du mineur de plus de 13 ans pour changer son prénom ou son nom.

Nous mettons également fin aux inégalités entre les couples mariés ou non, en ouvrant l’adoption au pacs et au concubinage. C’est un grand progrès. Il n’y aura plus d’inégalités entre les couples en fonction du statut matrimonial. Pour en faciliter le recours, nous abaissons de 28 à 26 ans l’âge minimal pour les couples adoptants et réduisons de 2 à 1 an la durée minimale requise de communauté de vie.

Renforcer le statut de pupille de l’État

Nous renforçons le statut de pupille de l’État en affirmant son caractère protecteur et en clarifiant les dispositions relatives à l’agrément administratif en vue d’adoption. Désormais, le consentement des parents à l’admission de l’enfant dans le statut de pupille de l’État ouvrira la possibilité d’un projet d’adoption pour leur enfant.

Les droits des pupilles sont également renforcés, avec notamment l’instauration d’un droit d’information de toute décision prise leur égard par le tuteur.

Enfin, nous améliorons le fonctionnement des conseils de famille qui est l’organe chargé de la tutelle des pupilles de l’État avec le représentant de l’État dans le département.

Sécuriser le statut juridique des mères d’intention

C’était un engagement : nous sécurisons le statut juridique pour la mère d’intention d’un couple de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation (AMP) à l’étranger. Pour ce faire, nous ouvrons la possibilité d’établir, à titre exceptionnel et pour une durée de 3 ans, la filiation à l’égard de la femme qui n’a pas accouché lorsque celle qui a accouché s’oppose, sans motif légitime et dans un sens contraire à l’intérêt de l’enfant, à la reconnaissance conjointe devant notaire, telle que prévue par la loi Bioéthique, pour les couples de femmes ayant eu recours à une AMP à l’étranger avant sa légalisation en août 2021.

« Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant »

Rapport parlementaire sur l’adoption présenté par la députée Monique Limon et la sénatrice Corinne Imbert

Remis au Premier ministre et au secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé chargé de la protection de l’enfance, ce rapport appelle, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, à un changement de paradigme : « passer d’une logique de maintien des liens familiaux biologiques à une logique de prise en compte des besoins de l’enfant, ce qui suppose de donner une famille à un enfant et non l’inverse ».

Les conclusions formulées par le rapport visent notamment à :

  • harmoniser le droit de l’adoption, qui relève de plusieurs textes (code civil, code de l’action sociale et des familles), dont certains, anciens, ne sont pas actualisés de manière globale et cohérente ;
  • prendre en compte les nouvelles réalités familiales (celle notamment des recompositions familiales, de l’homoparentalité, et de l’assistance médicale à la procréation) ;
  • promouvoir et adapter les procédures alternatives à l’adoption plénière, dans une logique de co-parentalité (adoption simple, mais aussi parrainage, par exemple) ;
  • poursuivre l’accompagnement de la mise en œuvre de la réforme de 2016, tant dans l’appropriation des cadres d’intervention posés que dans leur transcription au niveau des pratiques professionnelles ;
  • permettre à l’ASE de créer des liens qui perdurent au-delà de la prise en charge de l’enfant par les services ;
  • créer un fichier national pour favoriser la coopération entre les départements, mieux utiliser les compétences afin d’arriver à plus d’efficience, apporter plus de complémentarité entre les différents acteurs ;
  • réformer les dispositifs relatifs aux apparentements des pupilles de l’État et ceux de l’adoption intraconjugale ;
  • harmoniser l’accompagnement à la recherche des origines ;
  • associer autant que possible les adoptés.

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