Télécommandes : une mission flash pour examiner la « guerre des boutons »

Évaluation et contrôle | 10 décembre 2021

L’exception culturelle française et européenne doit continuer à être au cœur de nos politiques culturelles. Nous l’avons défendue au cinéma, à la radio, à la télévision. Les écrans connectés doivent maintenant être au cœur de nos préoccupations !

Bruno Studer

Depuis une dizaine d’années, nos modes de consommation audiovisuelle évoluent vers un visionnage toujours plus mobile et délinéarisé, à la demande ou en rattrapage. Si la télévision numérique terrestre (TNT) constitue encore le mode de réception unique de 21 % des foyers équipés en téléviseurs, 81 % des foyers équipés disposent aujourd’hui d’un téléviseur connecté à Internet.

De plus en plus populaires, les téléviseurs connectés ou « smart TV » permettent de contourner les box des opérateurs internet. En reprenant sa place au centre du salon, notre téléviseur se mue en un terminal d’accès à des catalogues d’œuvres à la demande toujours plus importants, dans un contexte de fusion des majors et de regroupement des acteurs du secteur.

Lorsqu’on allume sa télévision, le premier accès n’est souvent plus une chaîne linéaire mais un écran d’accueil présentant différentes applications de diffuseurs. Sur la télécommande, le pavé numérique voit sa place réduite au profit de touches au logo de Netflix, Amazon Prime Video, Rakuten TV, Google Play ou encore Disney+, qui permettent d’accéder directement aux offres de ces diffuseurs.

La « guerre des boutons », comme certains l’ont déjà surnommée, est la traduction locale d’accords commerciaux globaux ou régionaux passés entre les plateformes mondiales et les fabricants de téléviseurs ou les fournisseurs d’accès à internet.

Si ces nouvelles configurations n’empêchent pas l’accès à l’offre des chaînes de télévision traditionnelles ni l’accès aux offres proposées par d’autres diffuseurs, ils compliquent l’accès à la diffusion en linéaire et ils sont susceptibles de constituer une rupture d’égalité entre les différentes offres commerciales, potentiellement constitutive d’une pratique anticoncurrentielle.

Alerté par les responsables de l’audiovisuel public français, j’ai estimé que ce sujet était suffisamment pressant pour qu’il fasse l’objet d’une mission flash de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation. Preuve de son importance aux yeux des médias, la presse s’est largement fait l’écho de la création de cette mission.

Car il ne faut pas se leurrer : loin d’être futile ou d’arrière-garde, la question des télécommandes et des interfaces d’accès aux contenus audiovisuels n’est que le prolongement des problématiques d’accès aux œuvres qui ont animé les réflexions de la mission d’information sur la Nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique et son prolongement législatif, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.

Au cœur de ces réflexions et de notre action réside la volonté de défendre notre exception culturelle et d’adapter notre modèle de création culturelle audiovisuelle aux transformations induites par la révolution numérique.

Dans le cadre du projet de loi Œuvres culturelles à l’ère numérique, nous avons d’ores et déjà agi en introduisant à l’article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986, en transposition de la directive Services de médias audiovisuels (SMA), des dispositions qui obligent les FAI et les fabricants de téléviseurs à donner une visibilité appropriée aux services audiovisuels d’intérêt général.

Cette mission flash, qui a été confiée aux députées Sophie Mette et Michèle Victory, s’intéressera notamment à l’application des dispositions de l’article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986. Elle abordera également la question de la neutralité des télécommandes et réfléchira au niveau de régulation pertinent, à l’échelle nationale ou communautaire.

La presse en parle

DateMédiaTitre
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