Adoption d’une proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité

Le travail législatif | 11 mars 2024

Dans son reniement à nos valeurs républicaines et universalistes, le régime de Vichy promulgua la loi du 6 août 1942, inscrivant dans notre code pénal le délit visant à condamner «tout acte impudique ou contre-nature avec une personne de son sexe de moins de 21 ans.»

Dans son reniement à nos valeurs républicaines et aux principes universalistes portés par la Révolution, le régime de Vichy promulgua la loi du 6 août 1942, faisant de « tout acte impudique ou contre-nature avec une personne de son sexe de moins de 21 ans. » un délit réprimé par le code pénal. Cette loi discriminatoire fut reconduite par le gouvernement provisoire en 1945. Dans les années 1960, l’outrage public à la pudeur fut même ajouté comme circonstance aggravante.

En raison de leur orientation sexuelle, entre 10 et 50.000 hommes furent ainsi condamnés, leurs noms affichés dans la presse.[1] Pour ne pas se voir jeter l’opprobre, un bien plus grand nombre fut contraint de vivre dans la crainte et la clandestinité parce qu’ils voulaient simplement être libres d’aimer. Cette loi a indubitablement contribué à la construction d’une représentation stigmatisante de l’homosexualité dans la société française de l’Après-Guerre.

La répression de l’homosexualité fut enfin abrogée en 1982 grâce à l’action du ministre de la Justice de l’époque, Robert Badinter, permettant à la France de renouer avec son héritage universaliste.

40 ans plus tard, l’Assemblée nationale examinait une proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité. Ce texte, issu du Sénat et examiné dans le cadre d’une journée de «niche» parlementaire, entend réparer la faute morale et politique qu’a représenté, pendant quarante ans, cette législation stigmatisante.

L’article 1er de la proposition de loi, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, porte reconnaissance par la Nation de la responsabilité de l’État dans l’application de législations constitutives d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et une violation du droit au respect de la vie privée au cours de la période 1942-1982. Les débats parlementaires ont permis de préciser l’auteur de l’acte, la période exacte de reconnaissance de responsabilité et la nature du préjudice subi.

La proposition de loi initiale prévoyait un mécanisme de réparation financière des personnes condamnées pour homosexualité, que le Sénat avait supprimé. Parce qu’une reconnaissance de responsabilité sans réparation aurait été porteuse d’un message de défiance de la République envers ses citoyens, l’Assemblée nationale a restauré l’ensemble de ces dispositions.

Une commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité, directement rattachée au Premier ministre, sera ainsi également créée afin de recenser et statuer sur les demandes de réparation financière.

Le texte initial créait par ailleurs un nouveau délit de contestation ou de minoration outrancière de la déportation des personnes en raison de leur homosexualité pendant la seconde guerre mondiale. Mentionnés dans le statut du tribunal de Nuremberg, ces actes sont d’ores et déjà couverts par les dispositions de la loi «Gayssot» de 1990 qui instaure le délit de négationnisme. Supprimé par le Sénat, cet article superfétatoire n’a donc pas été rétabli par l’Assemblée nationale.

Adoptée à l’unanimité mercredi 6 mars, la proposition de loi, renommée « proposition de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 », doit désormais être examiné par le Sénat en 2e lecture.


[1] «Les sexualités «contre-nature» face à la justice pénale. Une analyse des condamnations pour «homosexualité» en France (1945-1982)», Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen, Déviance et Société, 2019/3 (Vol. 43), pp. 421-459.

Droit à l’image des enfants :ma proposition de loi adoptée par l’Assemblée en nouvelle lecture

Le travail législatif | 11 octobre 2023

Mardi 10 octobre, l’Assemblée nationale a adopté, en nouvelle lecture, ma proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Mieux faire respecter le droit à l’image des enfants

Pour rappel, la proposition de loi entend mieux faire respecter le droit à l’image des enfants par leurs parents sur les réseaux sociaux, car si diffuser des photos et des vidéos de ses enfants sur Internet est devenu pour certains parents une pratique banale, cela n’est pas anodin ni sans risques.

Si le Sénat témoignait d’une concordance de vues sur la nécessité de mieux protéger le droit à l’image des enfants sur internet, nos approches pour arriver à cette fin étaient radicalement différentes. Ces divergences ne nous avaient pas permis de nous accorder sur une rédaction commune du texte en commission mixte paritaire, conduisant à cette nouvelle lecture. En Commission, j’ai donc défendu un retour à la version adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.

Les dispositions du texte

L’article 1er intègre le respect de la vie privée de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale, inscrite à l’article 371-1 du code civil.
👉 Par rapport au texte adopté au Sénat, nous avons rétabli une rédaction qui me semblait plus ambitieuse en ce qu’elle élève la protection de la vie privée des mineurs parmi les objectifs de la parentalité.

L’article 2 précise la responsabilité des parents en matière de protection de la vie privée de leur enfant et affirme l’importance de l’association de l’enfant à la prise de décision concernant sa vie privée, conformément à la Déclaration des droits de l’enfant.
👉 Cet article prévoit également une coordination avec le code pénal, qui donne toute sa portée à l’obligation de prendre en compte le consentement de l’enfant lorsque cela est possible.
👉 La suppression de l’article par le Sénat effaçait ces deux apports ; nous avons donc rétabli l’article à une modification près : les parents ont en effet vocation à protéger le droit à l’image plutôt qu’à l’exercer.

L’article 3 prévoit la possibilité, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice du droit à l’image, de saisir le juge pour que celui-ci prononce une interdiction de diffuser un contenu sans l’accord de l’autre parent.
👉 Cette disposition avait été profondément remaniée par le Sénat, qui proposait une interdiction systématique de publication de l’image de l’enfant sans accord de l’autre parent. Une telle extension du régime des actes non usuels aurait été source d’une grande complexité pour toutes les familles, alors que des conflits ne se produisent que dans certaines d’entre elles.
👉 Au regard de la liberté d’expression, cette mesure semblait disproportionnée aux buts poursuivis. J’ai donc défendu un rétablissement du dispositif élaboré à l’Assemblée, qui prévoit un contrôle préalable du juge avant de prononcer des interdictions de publication. La mention de la nature non usuelle de l’acte litigieux a néanmoins été supprimée.

L’article 4 crée un mécanisme de délégation forcée de l’exercice du droit à l’image dans les situations où l’intérêt des parents rentre en conflit avec l’intérêt de l’enfant. La création de cette nouvelle possibilité de délégation partielle de l’autorité parentale constitue une réelle avancée qui permettrait de traiter des cas très concrets, présents dans l’actualité.
👉 En effet, un parent qui ne se conformerait pas à cette décision se retrouverait dans la situation de n’importe quelle personne diffusant l’image d’un enfant sans être titulaire du droit à l’image et le cas échéant pourrait être poursuivi pénalement. Au croisement de la parentalité et du numérique, cet article offre au juge aux affaires familiales un nouvel outil ciblé, proportionné et opérant.
👉 Le Sénat avait également supprimé cet article de la proposition de loi, alors que celui-ci en constituait le véritable bras armé; nous l’avons rétabli.

Enfin, le Sénat avait introduit un article additionnel visant à supprimer les conditions de gravité et d’immédiateté pour que la CNIL saisisse en référé la justice afin de faire cesser une atteinte aux droits et libertés d’un mineur.
👉 J’en partage évidemment les objectifs, mais ce dispositif remettait en question, du point de vue du droit, la limitation du référé aux situations urgentes.
👉 Après discussion, une nouvelle rédaction plus proportionnée que la version du Sénat a été adoptée dans l’hémicycle.

Une adoption en procédure simplifiée

En séance publique, le texte issu de la Commission a été étudié en examen simplifié. Suivant cette procédure prévue au règlement de l’Assemblée nationale, il n’y a pas de discussion générale et l’Assemblée passe directement à l’examen des amendements et au vote des articles.

Mise au vote dans son ensemble à l’issue de l’examen des amendements, la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité moins 2 voix. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat en nouvelle lecture. À moins d’un vote conforme (c’est-à-dire sans modifications), la proposition de loi reviendra ensuite à l’Assemblée pour une lecture définitive.

Une loi pour mieux protéger le droit à l’image des enfants

Prises de parole | 1 mars 2023

Quand la plupart d’entre nous fréquentions encore les bancs de l’école, le droit à l’image apparaissait comme un non sujet, à tout le moins un sujet mineur. C’est dire si en vingt ans le numérique a changé la donne, alors que plus d’un internaute sur deux prend une photographie avant tout dans le but de la partager en ligne. Rappelons que plus de 300 millions de photographies sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux. En 2015, on estimait que Facebook hébergeait plus de 250 milliards de photographies.[1] En moyenne, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches.

Dans la société de l’image qui s’édifie depuis sous nos yeux, l’enfant occupe une place singulière, puisque contrairement à nous toutes et tous ici présents, il n’exerce pas lui-même son droit à l’image. Cette situation, qui découle de la minorité et se résout dans l’autorité dévolue aux parents, n’est pas sans susciter de frictions et poser de problèmes à l’heure des réseaux sociaux, et du partage instantané à nos communautés d’amis. À l’intersection entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à l’image des enfants apparaît comme le terrain d’un potentiel conflit d’intérêt, mû par l’appât de la monétisation ou par des motivations plus narcissiques.

Quand bien même leurs intentions sont bonnes pour l’enfant, comme c’est le cas de la grande majorité des parents, sont-ils aujourd’hui suffisamment informés et formés pour faire des choix éclairés, dans l’intérêt supérieur de l’enfant ?

Des risques non négligeables

La diffusion de photographies de famille sur les réseaux sociaux, qui remplace nos albums photo d’antan, est aujourd’hui communément appelée « sharenting », contraction des termes anglais sharing, partager, et parent. La première occurrence du terme remonterait à 2012, pour décrire une pratique qui était déjà largement répandue.[2] Ce qui caractérise le phénomène, c’est la présence d’une audience de masse et la possibilité d’identifier l’enfant relativement facilement.[3]

De nombreux chercheurs internationaux, au croisement entre les sciences humaines et sociales, la communication et les sciences juridiques se sont emparés de l’objet d’étude que constitue le phénomène du sharenting. Très tôt, ils ont pointé du doigt la « fausse impression d’intimité » que suscitaient les réseaux sociaux, qui brouillent les frontières entre liens forts et liens faibles.[4] L’impossibilité d’en contrôler véritablement l’audience, par partage ou détournement, a également été soulignée. Parmi les risques les plus graves qui ont été identifiés, retenons l’usurpation d’identité en ligne, le kidnapping numérique,[5] le harcèlement et le cyberharcèlement,[6] la géolocalisation,[7] le child grooming et la pédopornographie.[8]Concernant cette dernière, 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.[9]. Si les photographies de nudité, de semi-nudité ou de tenues sportives sont les plus directement concernées, toutes les photographies d’enfants peuvent se prêter à manipulation et décontextualisation. Il existe bien d’autres types de détournements d’images, par exemple au sein de groupes publics qui partagent des photographies gênantes initialement publiées par des parents, dans le but de se moquer d’enfants.[10] Plus généralement, je n’ose imaginer le poids que doit représenter le fait de devenir un meme.[11]

Les conséquences du partage irréfléchi de photographies sur internet sont donc larges et variées, elles sont aussi durables. Toujours accessibles, les photographies partagées par les parents peuvent porter atteinte à la réputation en ligne de l’enfant devenu majeur. L’exploitation commerciale des données, quant à elle, se prolonge dans le temps à mesure que de nouvelles traces numériques sont agrégées. Ces traces sont pratiquement indélébiles, au point que certains parlent de « tatouage numérique ».[12] En brouillant la ligne entre présent et passé, elles obèrent le développement autonome de l’enfant. Enfin, et peut-être surtout, nous n’en mesurons pas encore pleinement l’ampleur et les conséquences pour l’avenir. Ce qui ne pose pas de souci aujourd’hui pourrait paraître inacceptable demain. N’oublions pas non plus que les technologies sont en constante évolution, notamment en matière de reconnaissance faciale sur photographies.

Extension du sharenting, le partage excessif ou à outrance (oversharing) témoigne d’un usage des réseaux sociaux qui prend la forme d’une exploitation de ses propres enfants.[13] Les conséquences psychologiques d’une telle surexposition de l’image des enfants commencent à être bien documentées : le fait d’être constamment sous le regard d’un objectif – en particulier dans le cas des blogs vidéo familiaux ou vlogs –, l’humiliation que peut ressentir l’enfant lorsque certains contenus qu’il considère gênant sont publiés en ligne sans qu’il en maîtrise l’audience, mais aussi l’impact que peuvent avoir les commentaires faisant parfois plus mal que la photographie elle-même. Au passage, l’exposition de l’image de l’enfant prend parfois la forme de violences éducatives ordinaires, lorsque la publication relève d’un chantage ou d’une punition.[14]

L’importance de légiférer

Malgré tout, il ne faudrait pas tomber dans la panique morale. Elle appelle avant tout une prise de conscience collective de la part des parents, qui n’ont – pour la très grande majorité d’entre eux – pas l’intention de nuire à leur enfant. Seulement, trop d’entre eux sont encore insuffisamment informés et formés.[15] La sensibilisation a un rôle déterminant à jouer pour que les parents agissent en toute conscience des éventuelles conséquences, qu’ils en sous-pèsent le danger potentiel et qu’ils associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image sur internet.[16] La médiation et la sensibilisation, c’est tout particulièrement le travail des associations de parentalité numérique, c’est aussi désormais le rôle du portail gouvernemental jeprotegemonenfant.gouv.fr, au-delà des enjeux liés à la pédocriminalité. Un espace dédié au droit à l’image y trouverait pleinement sa place.

Quelle est donc, alors, la place de la loi ? Au-delà de la sensibilisation, le législateur doit pleinement jouer son rôle pour tracer des lignes rouges. De nombreux chercheurs internationaux s’accordent à reconnaître la nécessité de mesures juridiques contraignantes dans les cas où les parents choisiraient sciemment d’ignorer les droits de l’enfant.[17] La loi a également valeur de signal pour tous les enfants, qui trop souvent n’ont pas conscience de leurs droits, voire même pensent que leurs parents disposent d’un droit absolu sur leur image.

La présence proposition de loi visant à garantir le droit à l’image des enfants part du constat dressé précédemment que le droit à l’image a pris une importance considérable en à peine vingt ans parce que l’image médiée par le numérique devient omniprésente. Droit personnel en tant qu’il est lié à son titulaire, le droit à l’image est également assimilé par certains à un droit de quasi-propriété au sens où l’exercice de son droit à l’image le concerne par nature.

Le cas des enfants influenceurs a bien mis à jour l’existence d’un conflit potentiel entre les parents qui peuvent avoir des intérêts économiques ou psychologiques à partager à outrance l’image de leur enfant, et l’intérêt supérieur de l’enfant, mais il ne l’a résolu que dans le cas des vidéos et essentiellement lorsqu’une relation de travail peut être établie.

Avec la révolution numérique, on arguera également que le droit à l’image a changé de nature et que cela emporte des conséquences particulières pour les mineurs. Plus que pour les autres composantes de l’autorité parentale, les parents ont une obligation fiduciaire vis-à-vis de leurs enfants en matière de droit à l’image, car l’incidence de son exercice devient bien plus prégnante dans l’espace, mais aussi dans le temps. Elle emporte des conséquences durables, au cœur de son processus de développement personnel, et irréversibles, bien au-delà de la minorité de l’enfant. Plus que les titulaires de leur droit à l’image, les parents ont vocation à en devenir les gestionnaires dans son intérêt, les mandataires.[18]

Le dispositif proposé

Les quatre articles de cette proposition de loi énoncent des principes mais fixent également des règles, des limites et des outils juridiques contraignant pour élargir les moyens dont disposent les parents et les pouvoirs publics pour protéger les mineurs.

L’article 1er vise ainsi à introduire la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale prévue à l’article 371-1 du code civil afin de souligner l’importance que les parents doivent accorder à cet enjeu, au même titre qu’ils doivent veiller à la sécurité, à la santé ou à la moralité de leur enfant.

L’article 2 rétabli un article 372-1 dans le code civil pour rappeler que le droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents, dans le respect de sa vie privée. Il rappelle également que l’enfant doit être associé aux décisions concernant son image « selon son âge et son degré de maturité ». Cet article vient donc nuancer le libre arbitre des parents dans l’expression du consentement du mineur en les encourageant à prendre en compte l’avis de l’enfant concerné et en anticipant les conséquences éventuelles, notamment dans le futur, de l’utilisation qu’ils font de l’image de leur enfant.

L’article 3 complète l’article 373-2-6 du code civil pour prévoir une mesure spécifique d’interdiction de publication à l’encontre du parent qui diffuse des photos de son enfant contre l’avis de l’autre parent. Cette mesure pourrait être prononcée par le juge aux affaires familiales dans l’intérêt de l’enfant. Ce nouvel outil viendrait compléter des dispositions spécifiques déjà existantes pour permettre au juge de répondre à certaines situations, par exemple l’interdiction de sortie du territoire avec un seul parent sans l’accord de l’autre parent.

Enfin, l’article 4 complète l’article 377 du code civil qui fixe les conditions dans lesquelles l’autorité parentale peut faire l’objet d’une délégation totale ou partielle. Actuellement, la délégation forcée a lieu en cas de désintérêt pour l’enfant, de crime d’un parent sur l’autre parent ou d’incapacité à exercer l’autorité parentale. L’article 4 ajoute qu’elle peut avoir lieu lorsque « la diffusion de l’image de l’enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale ». Le juge pourrait alors confier l’exercice du droit à l’image de l’enfant à un tiers, ce qu’il ne pouvait pas faire jusqu’alors si le critère du désintérêt pour l’enfant n’était pas rempli. Dans des cas extrêmes, il pourrait même procéder à une délégation totale, je crois que nous reviendrons en détail sur ce point à l’occasion de la discussion des amendements.

Je sais que nous sommes nombreux à partager le diagnostic qui fonde cette proposition de loi. En élaborant son dispositif, j’ai cherché un point d’équilibre : entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant, entre l’importance de la sensibilisation et la nécessité de tracer des lignes rouges, entre la pédagogie et la répression. J’espère que notre discussion permettra de l’enrichir.


[1] Malik, A., Hiekkanen, K., Nieminen, M. (2016). « Impact of privacy, trust and user activity on intentions to share Facebook photos », Journal of Information, Communication and Ethics in Society, 14(4), pp. 364-382.

[2] Voir la définition qu’en donne l’Oxford English Dictionary.

[3] Maltz Bovy, Phoebe (2013). « The Ethical Implications of Parents Writing About Their Kids » The Atlantic.

[4] Kuczerawy, A., Coudert, F. (2010). « Privacy Settings in Social Networking Sites: Is it fair? », in Fischer-Huber, S., Duquenoy, P., Hansen, M., Leenes, R., Zhang, G. (eds.), Privacy and Identity Management for Life, Springer Science & Business Media, pp. 231-243.

[5] Jennifer O’Neill (2015). « The Disturbing Facebook Trend of Stolen Kid Photos », YAHOO! PARENTING (Mar. 3, 2015).

[6] Davis, Matthew (2015). ‘Sharenting’ Trends: Do Parents Share Too Much About Their Kids on Social Media?, C.S. MOTT CHILDREN’S HOSPITAL.

[7] Minkus, Tehila, Kelvin Liu & Keith W. Ross (2015). “Children seen but not heard: When parents compromise children’s online privacy.” WWW ’15: Proceedings of the 24th International Conference on World Wide Web (May 2015), pp. 776–786.

[8] Davis, Matthew (2015). “Sharenting” Trends: Do Parents Share Too Much About Their Kids on Social Media?, C.S. MOTT CHILDREN’S HOSPITAL.

[9] Depuis 2020, Europol et Interpol alertent sur la prévalence des contenus autoproduits par les jeunes ou par leur entourage dans les échanges pédocriminels: Interpol, COVID19 – Les menaces et les tendances en matière d’exploitation sexuelle des enfants et d’abus pédosexuels, septembre 2020 ; Interpol, Les abus pédosexuels sur Internet battent des records, mai 2022. Voir aussi le rapport du Cofrade, Rapport conjoint alternatif. Sixième examen de la République française par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies , 2022, p. 24), ainsi que les travaux du eSafety Commissionner en Australie et du National Center for Missing and Exploited Children.

[10] Steinberg, Stacey B. (2017). « Sharenting: Children’s Privacy in the Age of Social Media », Emory Law Journal, 66, pp. 839-884. L’auteur évoque un forum de mères qui publiait ainsi des photographies d’enfants prises sur les réseaux sociaux dans le seul but de se moquer d’eux.

[11] Pour un aperçu du phénomène des memes, on consultera le site internet Know your meme.

[12] Donovan, Sheila (2020). « ‘Sharenting’ : The Forgotten Children of the GDPR », Peace Human Rights Governance, 4(1), pp. 35-59.

[13] Maltz Bovy, Phoebe (2013). « The Ethical Implications of Parents Writing About Their Kids », The Atlantic.

[14] Belkin, Lisa (2013). « Humiliating Children in Public: A New Parenting Trend? », Huffington Post (Oct. 4, 2013).

[15] Donovan 2020. Voir aussi Brosch, Anna (2016). « When the Child is Born into the Internet: Sharenting as a Growing Trend among Parents on Facebook », The New Educational Review, (March 2016).

[16] En ce sens la proposition est en ligne avec les recommandations de l’observation générale no 25 sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique, élaborée par le Comité des droits de l’enfant, 2021.

[17] Kravchuk, N. (2021). « Privacy as a new component of ‘the best interests of the child’ in the new digital environment », The International Journal of Children’s Rights, 29(1), pp. 99- 121.

[18] Sorensen, Shannon (2016). « Protecting Children’s Right to Privacy in the Digital Age: Parents as Trustees of Children’s Rights », Children’s Legal Rights Journal, 36(3), pp. 156-176.


Signature de la «Charte STUDER» sous l’égide de l’ARCOM

Communiqués | 28 novembre 2022

Ce lundi 28 novembre, au siège de l’ARCOM, a été signée la charte visant à promouvoir l’information et la protection des utilisateurs s’agissant de la diffusion de l’image des mineurs sur les plateformes en ligne, en présence du député Bruno STUDER, à l’origine de la loi « Enfants influenceurs ».

Texte d’équilibre rédigé en concertation avec les professionnels du secteur, les associations de protection de l’enfance, la CNIL et le Défenseur des Enfants sous l’égide de l’ARCOM, la « charte STUDER, » ainsi qu’elle a été dénommée, participe d’un environnement plus respectueux des droits à la vie privée des enfants sur Internet, en portant deux engagements phares, celui d’empêcher l’exploitation commerciale des données personnelles des enfants et celui de faciliter le droit à l’oubli.

Intervention de Bruno STUDER à la signature de la charte, le 28 novembre 2022.

L’élaboration de cette charte avait été inscrite aux articles 4 et 5 de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, dite loi « Enfants influenceurs ».

Aux côtés de M. Roch-Olivier MAISTRE, président de l’ARCOM, Mme Carole BIENAIMÉ BESSE, membre du collège de l’ARCOM, Marie-Laure DENIS, présidente de la CNIL et Éric DELEMAR, Défenseur des Enfants, le député Bruno STUDER tient à saluer l’investissement des différents acteurs professionnels et associatifs dans l’élaboration de cette charte. Il regrette néanmoins l’absence de deux acteurs de poids, Twitter et TikTok, une absence d’autant plus problématique que 80 % des utilisateurs de cette dernière plateforme sont mineurs.

Comme le rappelle Bruno STUDER, « À la tentation de la viralité, il faut privilégier l’impératif de l’intimité. Je sais que cette charte, et loi dont elle découle, imposent des contraintes aux plateformes, mais nous parlons de la protection des enfants qui feront la société de demain. Ne l’oublions pas, nous avons une responsabilité historique pour encadrer le développement de ce formidable outil d’émancipation que doit être Internet. »

La signature de cette charte intervient une semaine après la présentation du rapport de la Défenseure des droits sur la vie privée des enfants et après la présentation du rapport du think tank Renaissance numérique sur le contrôle de l’âge sur internet.

« La protection de l’enfance n’est pas qu’un problème franco-français ; j’ai bon espoir qu’à travers cette loi et cette charte, nous contribuions à renforcer la protection de la vie privée des enfants au-delà de nos frontières, en Europe et ailleurs, » conclut Bruno STUDER.

Pour aller plus loin :