Une proposition de loi pour étendre aux enfants majeurs la garantie de versement des pensions alimentaires

Le travail législatif | 15 mars 2024

En grévant les parents concernés des revenus nécessaires à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants, les impayés de pensions alimentaires entraînent des situations de précarité sérieuses et complexes. L’ouverture de l’intermédiation financière au 1er janvier 2021 puis sa généralisation au 1er janvier 2023 ont apporté une solution à ces situations inextricables en permettant à l’État de collecter automatiquement les pensions alimentaires auprès des débiteurs, souvent par le biais de retenues sur salaire ou de prélèvements automatiques. Cette approche a facilité le processus de paiement et a contribué à réduire le nombre d’impayés, offrant ainsi une sécurité financière accrue aux parents bénéficiaires.

Concrètement, l’agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (ARIPA), au travers de la CAF ou de la MSA, assure le recouvrement de la pension alimentaire auprès du parent débiteur et la reverse immédiatement au parent créancier. En cas d’impayé, l’agence verse au parent créancier l’allocation de soutien familial (ASF) et engage une procédure de recouvrement auprès du parent débiteur. L’impayé devient donc transparent pour le parent créancier. Cette disposition constitue ainsi une avancée sociale pour de nombreuses familles en rendant l’impayé transparent pour le parent créancier.

Le dispositif connaît néanmoins des limites, notamment du fait qu’en l’état actuel du droit, l’intermédiation financière obligatoire ne concerne pas les enfants qui reçoivent une pension alimentaire directement de leurs parents. Or, nombreux sont ceux qui bénéficient directement d’une contribution à leur entretien et à leur éducation de la part du parent qui n’a pas leur charge notamment lorsqu’ils ne vivent plus sous même toit que le parent qui en avait la garde. Dans ce cas précis, ces enfants majeurs sont alors exposés à un risque de précarité lorsque le parent débiteur ne leur verse pas la pension alimentaire à laquelle ils ont droit.

Déposée par Vincent THIÉBAUT, député de la 9e circonscription du Bas-Rhin, la proposition de loi visant à garantir le versement des pensions alimentaires aux enfants majeurs entend répondre à cette faille du dispositif en les rendant éligibles au service public d’intermédiation financière des pensions alimentaires. Examiné jeudi 14 mars en séance publique selon la procédure de législation en commission, le texte a été adopté à l’unanimité et sera prochainement examiné par le Sénat.

Adoption de la loi sur la taxe environnementale sur le transport en Alsace

Le travail législatif | 31 janvier 2022

Mercredi 26 janvier, l’Assemblée a adopté en première lecture le projet de loi de ratification des ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace (CEA).

Comme l’a évoqué Brigitte KLINKERT, ministre déléguée à l’Insertion et ancienne Présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, lors de la discussion générale, ce projet de loi s’inscrit dans le « cadre de confiance » qu’a mis en place le Gouvernement, en concertation avec les parlementaires et les élus locaux, afin de répondre au « désir d’Alsace » largement partagé dans notre territoire. En donnant à la CEA une plus grande liberté d’organisation et d’adaptation aux spécificités du territoire alsacien, ce texte poursuit une dynamique de décentralisation et engage une démarche nouvelle : la différenciation.

Les députés alsaciens de la majorité présidentielle, Olivier Becht, Bruno Fuchs, Antoine Herth, Thierry Michels, Bruno Studer, Vincent Thiébaut et Sylvain Waserman, se sont réjouis, dans un communiqué commun, de l’adoption de cette loi de ratification. Les ordonnances visées concernent la gestion des autoroutes transférées à la CEA et à l’Eurométropole de Strasbourg, avec pour mesure phare la possibilité pour la CEA d’instaurer une taxe environnementale sur le transport routier de marchandises en Alsace.

Comme l’explique Vincent THIÉBAUT, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, « La taxe environnementale pour le transport de marchandises en Alsace est attendue de longue date par nos concitoyens. En créant cette possibilité, nous agissons, en tant que députés, pour la régulation du trafic routier, le développement durable et une écologie du concret. »

Il revient maintenant à la collectivité européenne d’Alsace de s’emparer pleinement des compétences que le Gouvernement et le Législateur lui ont transférées : les transports, bien évidemment, mais également le bilinguisme et la coopération transfrontalière, qui sont dans l’ADN de notre territoire et qui répondent à une attente véritable et légitime de nos concitoyens. Le succès de cette collectivité unique en son genre se mesurera à cette aune.

Analyse des articles

Le texte initial comportait 3 articles. En voici l’analyse détaillée

Une taxe environnementale pour le transport de marchandises en Alsace

L’article 1er ratifie l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace.

Explication

L’ordonnance définit le régime juridique :

  • Instauration d’une taxe kilométrique dont les redevables seront les propriétaires ou les locataires des véhicules de transport de marchandise.
  • Le taux de la taxe dépendra du poids du véhicule ou du nombre d’essieux et de la classe EURO du véhicule.
  • Le taux de taxe sera fixé par la Collectivité européenne d’Alsace de manière que le produit de la taxe n’excède pas les coûts de construction, d’entretien et d’exploitation du réseau taxable imputables aux véhicules taxés.
  • Il sera susceptible de modulations en fonction de la période d’utilisation du réseau taxable, et de majorations afin de couvrir les coûts de la pollution atmosphérique et sonore.
  • Il reviendra à la Collectivité européenne d’Alsace d’instaurer la taxe et d’en définir les principaux paramètres (réseau taxable, taux, …).

Pourquoi permettre la création d’une taxe environnementale sur le transport routier en Alsace?

Depuis la mise en place, au 1er janvier 2005, d’une taxe sur transport routier de marchandises en Allemagne (« LKW-Maut ») sur les routes fédérales allemandes (et notamment l’A5 allemande, parallèle à l’A35 française), les routes et autoroutes alsaciennes font l’objet d’un report significatif de trafic depuis l’Allemagne, de nombreux poids lourds évitant le paiement de la taxe allemande en empruntant les routes françaises, qui sont gratuites.

D’après une enquête menée en 2008 par le centre d’études techniques de l’équipement de l’Est, le trafic total d’échange et de transit sur le réseau routier et autoroutier alsacien s’est accru entre 2003 et 2008 de plus de 6 300 poids lourds par jour. Cette augmentation s’est maintenue et les flux de poids lourds en transit demeurent à un niveau élevé.

D’après les informations transmises par la Direction interdépartementale des routes de l’Est, certains axes sont particulièrement congestionnés, au premier rang desquels le sillon rhénan, dont certaines sections étaient traversées par un trafic quotidien composé à plus de 15 % de poids lourds en 2019.

L’État et les autoroutes alsaciennes

L’article 2 ratifie l’ordonnance n° 2021-615 du 19 mai 2021 soumettant à l’avis du représentant de l’État les projets de modification substantielle des caractéristiques techniques des autoroutes relevant de la Collectivité européenne d’Alsace.

Explication

Le rôle du représentant de l’État sera de veiller à ce que les projets de modification, d’une part, ne remettent pas en cause la capacité des autoroutes à remplir leurs principales fonctionnalités (continuité des itinéraires routiers d’intérêt national et européen, circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires et desserte économique du territoire national), et, d’autre part, respectent les principales règles de l’art.

L’A355 et l’Eurométropole de Strasbourg

L’article 3 ratifie l’ordonnance n° 2021-616 du 19 mai 2021 relative aux conditions dans lesquelles l’Eurométropole de Strasbourg assure l’engagement pris par l’Etat dans le cadre de la convention financière annexée à la convention passée entre l’État et la société ARCOS relative à l’autoroute A 355.

Explication

L’Eurométropole de Strasbourg, qui détient désormais le pouvoir de police de la circulation sur les voies alternatives à l’autoroute A 355, prendra en charge la part des concours publics incombant à l’État en cas de non mise en place de la mesure d’interdiction de circulation des poids lourds visée au contrat de concession. Elle bénéficiera également du partage des fruits de la concession en lieu et place de l’État, à concurrence du montant des concours publics qu’elle aura pris en charge.

Pour compléter ce dispositif, l’article 3 ajoute un article 4 bis à l’ordonnance qui prévoit la prise en charge par l’Eurométropole de Strasbourg, d’une fraction de l’indemnité de déchéance en cas de non mise en place de l’interdiction précitée.

Empreinte environnementale du numérique: une loi pour un numérique plus vertueux

Le travail législatif | 25 juin 2021

Parce que le numérique a de plus en plus d’impact sur l’environnement, nous agissons pour rendre son utilisation plus vertueuse.

Loin d’être immatériel, le numérique qui structure aujourd’hui notre société et notre mode de vie possède une matérialité bien réelle : des milliards d’ordinateurs et de smartphones, des millions de kilomètres de câbles en cuivre et en fibre optique, des milliers de serveurs et de centres informatiques… autant d’appareils et d’infrastructures dont l’impact environnemental est en constante augmentation. De 2% en 2019, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre en France pourrait représenter 6,7% en 2040, à politiques publiques constantes. La prise de conscience du phénomène par les scientifiques a conduit le Gouvernement intégrer le numérique comme un facteur incontournable de la transition écologique.

Prendre conscience des impacts du numérique pour mieux agir

Dès 2019, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a acté un ensemble de dispositions visant à allonger la durée de vie des produits équipements numériques, notamment la mise en place d’un indice de réparabilité, l’allongement de la garantie légale de conformité pour les produits réparés, et l’extension à 5 ans de la durée de disponibilité des pièces détachées pour les petits équipements.

En février 2020, le Conseil national du numérique (CNNum) et le Haut conseil pour le climat (HCC) ont publié une feuille de route sur le numérique et l’environnement – 50 mesures pour un agenda national et européen sur un numérique responsable. Sur ce fondement, la ministre la Transition écologique et solidaire, Barbara Pompili, et le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique, Cédric O, ont présenté la feuille de route « Numérique et environnement » en février 2021. Cette stratégie nationale vise à améliorer la connaissance des différents impacts du numérique sur l’environnement, à les maîtriser et à mettre le potentiel d’innovation du numérique au service de la transition écologique.

Parallèlement, au Sénat, une mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique a été constituée fin 2019. Présidée par le sénateur Patrick Chaize, cette mission émet 25 propositions pour une transition numérique écologique. La proposition de loi déposée par M. Chaize en octobre 2020 reprend plusieurs des propositions du rapport d’information D’abord examiné en première lecture au Sénat où il a été largement amendé, le texte a ensuite été transmis à l’Assemblée nationale.

Le contenu de la proposition de loi en détail

La proposition de loi se structure en 5️⃣ chapitres :

1️⃣ Faire prendre conscience aux utilisateurs de l’impact environnemental du numérique

Les mesures phares :

  • Sensibilisation des élèves à la sobriété numérique ;
  • Sensibilisation des étudiants à l’impact environnemental des outils numériques (ajout Assemblée) ;
  • Création d’un observatoire de l’impact environnemental du numérique ;
  • Prise en compte de l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises.

2️⃣ Limiter le renouvellement des terminaux

Les mesures phares :

  • Inversion de la charge de la preuve de l’obsolescence programmée ;
  • Intégration de l’obsolescence logicielle à la définition de l’obsolescence programmée ;
  • Dissociation des mises à jour correctives et des mises à jour évolutives ;
  • Extension à cinq ans de la durée minimale pendant laquelle le consommateur doit pouvoir recevoir des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ses biens ;
  • Orientation des équipements usagés des services de l’État et des collectivités territoriales vers le réemploi, la réutilisation ou, à défaut, vers d’autres filières (ajout Assemblée) ;
  • Extension aux reconditionneurs du bénéfice d’un accès non discriminatoire aux pièces détachées, modes d’emploi, informations techniques ou à tout autre instrument, équipement ou logiciel permettant la réparation des produits (ajout Assemblée) ;
  • Information gratuite des consommateurs, par les fabricants et les distributeurs, des opérations permettant d’allonger la durée de vie des équipements (ajout Assemblée) ;
  • Fin de l’obligation de fournir des écouteurs lors de l’achat d’un téléphone mobile (ajout Assemblée).

3️⃣ Faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux

Les mesures phares :

  • Définition des « systèmes automatisés d’appels et d’envois de messages » et possibilité pour l’ARCEP d’interdire l’utilisation de certains numéros par ces systèmes automatisés (ajout Assemblée) ;
  • Obligation d’écoconception des services numériques ;
  • Améliorer l’information de l’utilisateur sur l’impact environnemental des usages vidéo.

4️⃣ Promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores

Les mesures phares :

  • Souscription d’engagements environnementaux contraignants des opérateurs de centres de données auprès de l’ARCEP ;
  • Abaissement du seuil d’éligibilité du tarif réduit de tarif réduit de taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE) octroyé aux centres de données ;
  • Possibilité pour le maire d’enjoindre l’opérateur à justifier son choix de ne pas implanter la nouvelle infrastructure sur un site ou un pylône existant (ajout Assemblée) ;
  • Inscription de la préservation de l’environnement comme critère d’attribution des fréquences radioélectriques par l’ARCEP ;
  • Procédure d’information du maire en vue de la création d’antennes relais.

5️⃣ Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires

Les mesures phares :

  • Intégration de la problématique de la récupération de chaleur des centres de données dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ;
  • Création d’une stratégie numérique durable dans les collectivités territoriales.

L’examen du texte à l’Assemblée

À l’Assemblée, plusieurs articles (indiqués ajout Assemblée) ont été introduits en commission pour renforcer la portée du texte. D’autres dispositions ont au contraire été supprimées, en raison notamment de leur non-conformité au droit communautaire. L’article instaurant un crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises a été supprimé en raison de la préexistence de dispositifs d’aide à la numérisation et afin d’éviter les effets d’aubaine que pourrait entraîner un crédit d’impôt destiné à couvrir les dépenses de prestataires informatiques.

En commission et en séance, le texte a fait l’objet d’un important travail de réécriture, à l’initiative du rapporteur du texte, Vincent Thiébaut, à des fins de précision rédactionnelle, par souci de cohérence législative et pour mettre les dispositions proposées en conformité avec le droit communautaire, tout particulièrement avec les directives européennes (UE) 2019/770 et 2019/771 du 20 mai 2019 dites « DSA » (Digital Services Act) et « DMA » (Digital Market Act).

C’est également par exigence de conformité avec le droit communautaire que l’exemption des équipements reconditionnés de paiement de la rémunération pour copie privée a été supprimée. Dans un but d’intérêt général, les supports reconditionnés issus de l’économie sociale et solidaire ont néanmoins été exemptés de cette redevance.

Par voie d’amendement, les députés ont également introduit dans la loi la possibilité pour les organismes de réutilisation ou de réemploi labellisés ESUS de bénéficier du matériel informatique dont les services de l’État ou les collectivités n’ont plus l’emploi.

Selon le principe de la navette parlementaire, le texte a été transmis au Sénat en vue de son examen en deuxième lecture.

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