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Adoption d’une proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité

Le travail législatif | 11 mars 2024

Dans son reniement à nos valeurs républicaines et universalistes, le régime de Vichy promulgua la loi du 6 août 1942, inscrivant dans notre code pénal le délit visant à condamner «tout acte impudique ou contre-nature avec une personne de son sexe de moins de 21 ans.»

Dans son reniement à nos valeurs républicaines et aux principes universalistes portés par la Révolution, le régime de Vichy promulgua la loi du 6 août 1942, faisant de « tout acte impudique ou contre-nature avec une personne de son sexe de moins de 21 ans. » un délit réprimé par le code pénal. Cette loi discriminatoire fut reconduite par le gouvernement provisoire en 1945. Dans les années 1960, l’outrage public à la pudeur fut même ajouté comme circonstance aggravante.

En raison de leur orientation sexuelle, entre 10 et 50.000 hommes furent ainsi condamnés, leurs noms affichés dans la presse.[1] Pour ne pas se voir jeter l’opprobre, un bien plus grand nombre fut contraint de vivre dans la crainte et la clandestinité parce qu’ils voulaient simplement être libres d’aimer. Cette loi a indubitablement contribué à la construction d’une représentation stigmatisante de l’homosexualité dans la société française de l’Après-Guerre.

La répression de l’homosexualité fut enfin abrogée en 1982 grâce à l’action du ministre de la Justice de l’époque, Robert Badinter, permettant à la France de renouer avec son héritage universaliste.

40 ans plus tard, l’Assemblée nationale examinait une proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité. Ce texte, issu du Sénat et examiné dans le cadre d’une journée de «niche» parlementaire, entend réparer la faute morale et politique qu’a représenté, pendant quarante ans, cette législation stigmatisante.

L’article 1er de la proposition de loi, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, porte reconnaissance par la Nation de la responsabilité de l’État dans l’application de législations constitutives d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et une violation du droit au respect de la vie privée au cours de la période 1942-1982. Les débats parlementaires ont permis de préciser l’auteur de l’acte, la période exacte de reconnaissance de responsabilité et la nature du préjudice subi.

La proposition de loi initiale prévoyait un mécanisme de réparation financière des personnes condamnées pour homosexualité, que le Sénat avait supprimé. Parce qu’une reconnaissance de responsabilité sans réparation aurait été porteuse d’un message de défiance de la République envers ses citoyens, l’Assemblée nationale a restauré l’ensemble de ces dispositions.

Une commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité, directement rattachée au Premier ministre, sera ainsi également créée afin de recenser et statuer sur les demandes de réparation financière.

Le texte initial créait par ailleurs un nouveau délit de contestation ou de minoration outrancière de la déportation des personnes en raison de leur homosexualité pendant la seconde guerre mondiale. Mentionnés dans le statut du tribunal de Nuremberg, ces actes sont d’ores et déjà couverts par les dispositions de la loi «Gayssot» de 1990 qui instaure le délit de négationnisme. Supprimé par le Sénat, cet article superfétatoire n’a donc pas été rétabli par l’Assemblée nationale.

Adoptée à l’unanimité mercredi 6 mars, la proposition de loi, renommée « proposition de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 », doit désormais être examiné par le Sénat en 2e lecture.


[1] «Les sexualités «contre-nature» face à la justice pénale. Une analyse des condamnations pour «homosexualité» en France (1945-1982)», Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen, Déviance et Société, 2019/3 (Vol. 43), pp. 421-459.