L’Assemblée légifère pour une influence responsable

Le travail législatif | 31 mars 2023

Le développement des réseaux sociaux a profondément transformé notre paysage médiatique en permettant à tout un chacun de devenir créateurs de contenus, de développer autour d’eux des communautés et de tirer des revenus des contenus publiés. L’émergence de personnalités bénéficiant d’une large audience a conduit à l’essor du phénomène des « influenceurs » qui font de leur image une vitrine pour de nombreuses marques, via des partenariats. Or la monétisation de ce contenu n’est absolument pas réglementée, notamment sur des enjeux de santé publique et d’addiction.

Les nombreuses dérives constatées ces dernières années de la part d’influenceurs peu respectueux du cadre règlementaire ou qui profitent de trop nombreuses zones d’ombre font peser sur les consommateurs des risques sanitaires, sécuritaires ou financiers : promotion de produits contrefaits, frauduleux, défectueux ou dangereux, arnaques aux cryptomonnaies et aux produits financiers, escroqueries aux CPF, promotion d’opérations de chirurgie esthétique, etc. Ces publications douteuses et tape-à-l’œil sont nombreuses dans les fils d’actualités des réseaux sociaux et malheureusement, trop de gens se laissent tromper par ces « influ-voleurs », comme certains les appellent.

Pour fédérer les initiatives parlementaires, une proposition de loi transpartisane contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux a été déposée à l’Assemblée nationale par les députés Stéphane VOJETTA et Arthur DELAPORTE afin de réglementer l’activité des influenceurs et de mieux protéger les consommateurs. Examiné en commission des Affaires économiques la semaine dernière, le texte a été adopté à l’unanimité en séance publique jeudi 30 mars 2023.

Le contenu du texte adopté

Dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture, ce texte définit l’activité d’influence commerciale et aligne les règles applicables à la promotion de produits et services par des influenceurs sur celles applicables à la publicité. En outre, il interdit la promotion d’actes médicaux et de produits financiers, encadre la promotion de certains produits (notamment alimentaires) et instaure une obligation de signalement des opérations de promotion.

Le rôle d’agent d’influenceur est également précisé dans la loi, qui obligera désormais les agents ou les annonceurs à établir un contrat avec les influenceurs. Afin d’empêcher le contournement du droit français et européen par des influenceurs installés à l’étranger (notamment à Dubaï), la loi prévoit que s’il n’est pas établi en Europe, l’influenceur doit y disposer d’un représentant légal pour pouvoir établir ces contrats. Dans le même esprit, tous les influenceurs, quel que soit leur lieu de résidence, doivent disposer d’une assurance civile pour leur activité en France.

Pour garantir le respect de ces dispositions, la loi instaure nouvelles obligations à l’égard des plateformes en ligne, notamment la mise en place de mécanismes de signalement des arnaques sur les réseaux sociaux et la rédaction d’un rapport annuel sur les signalements reçus. Les plateformes devront coopérer plus efficacement avec les autorités en vue du blocage des publicités mensongères et de la promotion illicite de produits ou services.

Enfin, les jeunes seront sensibilisés aux risques d’escroqueries sur les réseaux sociaux dans la formation aux risques numériques dispensée à l’école primaire et au collège.

Ma contribution à ce travail transpartisan

Auteur de la proposition de loi Enfants influenceurs, je me suis bien évidemment intéressé aux travaux du groupe de travail qui a préparé l’examen de la proposition de loi Influenceurs. J’ai notamment déposé un amendement visant à actualiser la loi Enfants influenceurs au regard des dispositions de la proposition de loi Influenceurs et de la définition des « plateformes en ligne » introduite par le règlement européen sur les services numériques (ou DSA).

En tirant les conséquences de la définition, en droit, de l’activité d’influence commerciale par voie électronique, l’amendement renforce la protection des mineurs dans l’exploitation commerciale de leur image en ligne. De même, alors que la loi Enfants influenceurs se limitait aux seules « plateformes de partage de vidéos », l’amendement étend la portée des obligations pesant sur l’exploitation de l’image des mineurs en ligne en l’élargissant à l’ensemble des plateformes en ligne.

Enfin, l’amendement précise que le contrat liant l’annonceur, la personne exerçant une activité d’influence commerciale par voie électronique telle que définie à l’article premier de la présente proposition de loi, et son représentant légal lorsque celle-ci est mineure, est soumis aux dispositions définies à l’article 2 de la proposition de loi Influenceurs.

Je remercie ma collègue Louise MOREL, membre de la commission des Affaires économiques, qui a défendu mon amendement lors de l’examen de la proposition de loi en Commission. Il me semblait essentiel de procéder à cette nécessaire coordination dès ce stade, afin de garantir l’effectivité maximale de la loi Enfants influenceurs.

La proposition de loi Influenceurs confirme le rôle moteur de la France dans la régulation du numérique et la prévention de ses dérives. Qu’ils soient derrière la caméra ou devant leur écran, nos jeunes doivent être protégés dans leurs droits et dans leurs intérêts.

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Présentation du rapport annuel de la Défenseure des Droits sur la protection des droits des enfants

Divers | 17 novembre 2022

Jeudi 17 novembre, la Défenseure des Droits, Claire HÉDON, et le Défenseur des Enfants, Éric DELEMAR, ont présenté leur rapport 2022 sur la protection des droits des enfants, intitulé « La vie privée : un droit pour l’enfant, » pour lequel Bruno STUDER avait été auditionné en octobre dernier.

À l’occasion de cet événement de présentation, Bruno STUDER, à l’origine de deux propositions de loi pour la protection de l’enfance sur Internet, a été invité à prendre part à une table-ronde consacrée à « La vie privée à l’ère du numérique et des réseaux sociaux », aux côtés de Justine ATLAN, directrice de l’association E-Enfance, et de plusieurs jeunes impliqués dans la rédaction du rapport.

S’adressant en premier lieu et avant tout aux nombreux enfants présents pour cet événement, Bruno STUDER a d’abord souhaité les féliciter pour leur implication dans la consultation nationale sur la vie privée, sous des formes très diverses (saynète, rap, etc.). Le député a ensuite présenté sa démarche de législateur pour contribuer à un plus grand respect de la vie privée des enfants sur internet, à travers les deux lois qu’il a portées, pour l’encadrement des enfants influenceurs et pour la généralisation du contrôle parental.

L’enjeu central du droit à l’image des enfants

Dans une société où l’image occupe une place grandissante sous l’effet de l’essor des réseaux sociaux, le respect du droit à l’image des enfants constitue un enjeu de plus en plus crucial, au regard des conséquences d’une surexposition sur l’estime de soi et la construction de son identité en tant que personne.

« À la tentation de la viralité, il faut privilégier l’impératif de l’intimité. »

Bruno STUDER

En charge du droit à l’image de leurs enfants mineurs, les parents se retrouvent de plus en plus dans une situation de conflit d’intérêt entre leur devoir de protection et les intérêts financiers ou médiatiques d’une surexposition de leurs enfants sur internet. Trop souvent, les enfants sont pris dans un conflit de loyauté entre leur souhait de faire plaisir à leurs parents et leurs réticences à voir leur image ainsi exposée.

Le rapport annuel 2022 en quelques mots

Le rapport annuel de la Défenseure des Droits consacré aux droits de l’enfant, intitulé « La vie privée: un droit pour l’enfant », met en lumière un sujet d’actualité qui questionne non seulement les enfants mais également le rôle et les pratiques de toutes les personnes qui sont à leur contact au quotidien : les parents et la famille, la communauté éducative, le corps médical, les professionnels de l’enfance et toutes les autorités en charge de leur protection. Après avoir recueilli l’opinion de 1 100 enfants dans le cadre d’une Consultation nationale et sollicité l’expertise des acteurs concernés par cette question, ce rapport formule 33 recommandations pour une plus grande effectivité de ce droit.

Accéder au rapport annuel enfant 2022  et à la synthèse du rapport

Enfants influenceurs : un premier décret d’application efficace et précis de la loi Studer

Communiqués | 5 mai 2022

Jeudi 28 avril 2022, un premier décret d’application de la loi « enfants influenceurs » est paru au journal officiel. En tant qu’auteur et rapporteur de cette loi pionnière à l’échelle internationale, je me félicite de ce premier décret d’application de ce texte et j’en salue la finesse et la précision.

Le décret n° 2022-727 du 28 avril 2022 concerne les « enfants stars » du web dont l’activité relève d’un travail, ainsi que leurs employeurs – les parents dans la plupart des cas. Le décret précise également le rôle dévolu à la Caisse des dépôts et consignations dans la régulation de ces activités lucratives, pour les plateformes de vidéos en ligne comme pour les parents, dont l’objet principal sont des enfants parfois très jeunes.


Nécessaires à l’application de l’article premier de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020, adoptée à l’unanimité des deux chambres, ces modifications apportées à la septième partie du code du travail précisent les étapes permettant de poser un cadre juridique clair et protecteur pour l’enfant à la réalisation et la diffusion de ces vidéos par des adultes, dont le succès et les bénéfices vont croissant ces dernières années.

Désormais, une autorisation administrative préalable sera nécessaire au tournage des vidéos lucratives, même en famille, ainsi qu’un contrôle médical de l’enfant et la consignation d’une partie conséquente des sommes perçues auprès de la Caisse des dépôts et consignations au titre de la rémunération du travail de l’enfant. 

Les enfants influenceurs et leurs employeurs, parents ou non, disposent d’un délai d’un mois à compter du 29 avril 2022 pour se mettre en règle vis-à-vis de la loi et du décret sur l’ensemble de ces points.

Enfin, je souhaite que les décrets relatifs à l’article 3 de la loi, qui vise à réguler les activités lucratives occasionnelles des enfants sur internet (placements de produits par exemple) puissent paraître dans les plus brefs délais, pour faire de la France le pays de référence dans la nécessaire protection de l’enfance sur internet.

https://twitter.com/BrunoStuder67/status/1227639828369563648

La presse en parle

DateMédiaAuteurArticle
04/05/2022 Journal des FemmesEnfants influenceurs ou youtubeurs : un décret pour les protéger
04/05/2022 ChallengesGuillaume EchelardPour les enfants YouTubeurs, le droit du travail avance lentement
04/05/2022 Les Gens d’InternetMyriamLe décret sur le travail des enfants influenceurs en France a été promulgué
05/05/2022EgoraLouise ClaereboudtLes enfants influenceurs sur les réseaux sociaux devront passer un examen médical
06/05/2022Midi LibreStars de Youtube, Tiktok ou Instagram : ce que dit le dernier décret qui encadre l’activité lucrative des enfants influenceurs
06/05/2022NextinpactMarc ReesLe projet de charte sur la diffusion de l’image des mineurs sur les plateformes en ligne

Entrée en vigueur de la loi Enfants influenceurs

La loi en concret | 20 avril 2021

Texte pionnier sur le plan international, d’initiative purement parlementaire – ce qui est assez rare pour être souligné – la LOI n° 2020-1266 encadrant l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne a été adoptée à l’unanimité au Sénat comme à l’Assemblée nationale définitivement le 6 octobre 2020. Elle entre en vigueur ce mardi 20 avril 2021, un délai de six mois ayant été laissé aux différents acteurs afin de mettre leurs activités en conformité avec la loi (notamment les parents des « enfants stars »).

  • Le terme « d’enfant influenceur » renvoie à des mises en situation quotidiennes de la vie des enfants par leurs parents dans des vidéos publiées sur les plateformes. Les enfants sont filmés dans le cadre de loisirs, de voyages (« Vlogs ») de défis et de tutoriels ou en train de tester, de déguster ou de déballer divers produits (« unboxing »). Inspirées par des chaînes anglophones, les chaines les plus suivies en France sont Swan & Neo, Studio Bubble Tea, Demo Jouets, Ellie’s Magic World, Mademoiselle Sabina, et disposent de millions d’abonnés.
  • Un vide juridique jusqu’alors : ce type de vidéos lucratives, voire très lucratives, réalisées par les parents et mettant en scène des enfants parfois très jeunes, ne faisait l’objet d’aucun encadrement légal. Les horaires, durées de tournage, bénéficiaires des revenus générés, n’étaient en rien encadrés par le droit. Pourtant comme l’a rappelé Bruno Studer président de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation à l’Assemblée nationale : « Internet n’est pas une zone de non-droit ».
  • Dans son roman Les enfants sont rois, paru en mars dernier, Delphine de Vigan décrit la vie difficile de deux enfants influenceurs et traite directement de la loi Studer.

La LOI n° 2020-1266 prévoit :

  1. Un régime de protection des enfants influenceurs leur faisant bénéficier des règles du code du travail en vigueur pour les enfants du spectacle, si leur activité est légalement considérée comme un travail : démarches nécessaires auprès de l’administration par les parents (autorisation préalable), obligation de consignation d’une majeure partie des revenus générés jusqu’à leur majorité à la caisse des dépôts, contrôles) ; ce régime est pleinement applicable aux enfants influenceurs français résidant à l’étranger.
  • Une protection pour les enfants qui ne sont pas dans une stricte relation de travail (vidéos occasionnelles, placements de produits) : système de déclaration des activités, information et sensibilisation des parents sur les risques psychosociaux encourus par les enfants, consignation d’une partie des revenus jusqu’à la majorité à la caisse des dépôts, contrôles) ; ce régime devra être applicable aux enfants influenceurs français résidant à l’étranger, par l’intermédiaire du consulat qui pourra recevoir les déclarations parentales, des activités lucratives occasionnelles.
  • Une responsabilisation des plateformes de vidéos : celles-ci doivent adopter des chartes pour favoriser l’information des mineurs et des parents sur les conséquences de la diffusion de leur image sur leur vie privée ainsi que sur les risques psychologiques et juridiques, en lien avec les associations de protection de l’enfance. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est chargé de promouvoir la signature de ces chartes.